8.11.08

Les anciennes odeurs...

Luc: Tu donnes toujours l'impression d'être tellement raisonnable, tellement contrôlé... Mais moi j'sais que c'est pas vrai pis ça m'énerve.

Jean-Marc s'approche de Luc, lui tend un verre.

Jean-Marc: Prends-en un pareil ça va te faire du bien.

Il se met à genoux à côté du fauteuil de Luc. S'assoit sur ses talons. Ils boivent.

Luc: Comme dans le bon vieux temps...

Jean-Marc: Excepté que dans ce temps-là on se tenait par la main...

Silence.

Jean-Marc: Tout c'que t'arrives pas à faire pour ton père; les crises, les larmes, la morve qui coule, les yeux qui dérougissent pas pendant des semaines, je l'ai toutte fait pour toi, Luc, quand t'es partis, pis tu le sais très bien. Ça fait pas assez longtemps pour que tu l'ayes oublié. Ça m'a pris beaucoup de temps à m'en remettre pis même des fois, ça fait encore mal. C'est normal que j'aye pas envie de recommencer ça.

Silence.

Ah! j'parle pas d'amour! J'parle d'orgueil! Les peines d'orgueil durent bien plus longtemps! Quand tu t'es une fois dans ta vie traîné aux pieds de quelqu'un, tu t'arrange pour que ça se reproduise pas de sitôt. Tu te barricades. Tu deviens moins disponible. Plus... raisonnable. C'est pas vrai que chus pas raisonnable, Luc. Je le suis devenu. Par défensive. Chus foncièrement monogame, que c'est que tu veux, c'est pas ma faute, chus fait comme ça. T'en as déjà d'ailleurs largement profité ! J'aime vivre les choses avec une personne à la fois. La seule fois où j'ai pas été raisonnable avec mes sentiments, justement, c'est avec toi pis j'me suis retrouvé au bout de sept ans sur le plancher de ce qui avait été noter chambre à coucher à hurler de désespoir parce que j'avais appris que tu me trompais à droite pis à gauche pis que j'étais la seule personne en ville à pas le savoir! Ça fait que depuis ce temps-là, j'me méfie. J'continue à avoir juste un chum à la fois mais j'm'implique moins. J'espère que tu peux comprendre.

Silence.

Comme ça, si j'apprends que chus encore trompé, ça va faire moins mal.

Silence.

Chus devenu raisonnable.

Luc: Ça doit être plate par boutte!

Jean-Marc: Ta vie est-tu si excitante que ça, Luc?

Luc: En tout cas, j'me pose pas ce genre de problème-là!

Court Silence.

Jean-Marc: M'as-tu déjà aimé?

Luc, très brusquement: Oui! Oh! oui. Doutes-en jamais! J'baisais à gauche pis à droite, à la fin, c'est vrai, mais j'te trompais pas!

Jean-Marc éclate de rire.

Luc: J'avais essayé de tout t'expliquer ça avant de partir mais tu comprenais pas.

Jean-Marc: J'comprends toujours pas.

Luc: J'arrive à faire une différence entre mes sentiments pis mes désirs, c'est tout.

Jean-Marc: Tu te retrouve tout seul aussi!

Luc: C'est moi qui suis parti, Jean-Marc! Si j'avais vraiment été l'écoeurant que t'as claironné partout que j'étais pendant au moins six mois après mon départ, j's'rais resté, pis j'taurais promis de pus recommencer alors que j'en étais incapable, pis j'aurais continué mon p'tit jeu en m'arrangeant pour que tu le saches pas,c'te fois-là! Là, j'taurais trompé, Jean-Marc! Mais j'taimais trop pour ça. Pis j'ai pas plus le goût aujourd'hui de dompter mes appétits juste pour avoir un amant popoteux, aussi beau, aussi intelligent soit-il, qui m'attend le soir à la maison, même si je manque de tendresse. Parce que j'en manque, c'est bien évident. Mon lit est froid par grand boutte mais au moins j'fais de mal à personne d'autre qu'à moi-même!

Jean-Marc: Tu parlais pas comme ça au début de notre relation.

Luc: J'parlais pas comme ça parce que j'me connaissait pas encore assez pis que j'avais peur de m'avouer certains besoins que je pensais laids parce que tu les ressentais pas!

(...)

Même si je sais et que je fais tout pour passer au travers je ne peut m'empecher d'encore y penser. C'était une relation qui n'a durer que 1 mois et demi et j'agis comme si cela avait été l'homme de ma vie. Cependant, je voudrais tellement avoir une VÉRITABLE conversation avec lui et non pas un où LUI aurait décider de ce qui doit être dit et comment cela doit être dit. En aie-je le droit? Devrais-je plutôt laisser aller et laisser coulé le temps? Vraiment il y a des moments je ne sais plus.


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Voilà un extrait de "Les anciennes Odeurs" de Michel Tremblay... Du moins, c'est ce que ma source m'indique. J'ai pris cet extrait du blog de Charles Desjardins (Fenêtre Ouverte sur le Monde) qui en avait lui-même fait un article.
Inutile de vous dire que je l'ai mis su mon blog parce que je veux le trouver et le dévorer!
PS Je me suis acheter "Des Fraises en Janvier", l'imprimé de cours, à la Coop au collège. Je l'ai pas commencé parce que j'ai d'autres lectures à faire et que je veux lire "Ils étaient venus pour..." de Marie Laberge avant, mais vous pouvez être sûr que, tôt ou tard, je vais le déguster aussi!
Vive la littérature (dramatique) québécoise! =D

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